mardi 12 janvier 2010

Aujourd'hui l'âme est grise alors il me faut tout de même alerter les bien portants et les âmes sensibles qui pourraient lire les pages de ce blog que celui-ci est écrit tant bien que mal par une malade en fin de vie et que des passages un peu trop explicites de la maladie pourraient choquer. Mon but n'est pas d'effrayer mais d'exprimer en toute sincérité avec franchise et honnêteté le quotidien souvent très pénible d'une vie en sursis et de témoigner de ce qui se passe autour de cette maladie avec la prise en charge, les soins, les rires, les larmes, les incompréhensions et les difficultés de s'y retrouver parmi la montagne de médicaments. Quand on n'a jamais été confronté à la gravité de certaines affections, qu'on a toujours eu dans l'ensemble une bonne santé avec seulement quelques maux plus ou moins importants, il est évident qu'on se retrouve en terre inconnue quand soudain la faucheuse décide de vous désigner comme futur zombie. L'univers impitoyable de Dallas n'est rien comparé à la découverte d'un cancer généralisé métastasé. Tout s'écroule à la manière d'un jeu de carte et le corps si vif avant refuse d'obéir au cerveau et se met à gémir comme une vieille chaîne rouillée reliant un navire au quai. Les amarres ne sont pas encore rompues mais on sait déjà qu'un coup de vent plus violent arrachera le bâteau à la rive et qu'il sombrera au milieu de l'océan. C'est ce que j'ai ressenti cette nuit en me réveillant à 3 heures du matin, ivre de douleur, avec l'impression de tanguer au centre d'une mer de crabes. Attaquée de partout par des pinces je me suis entendue supplier l'arrêt de cette torture mais je ne sais pas à qui je m'adressais. Au capitaine du port peut-être, à personne sans doute. Puis je me suis rendormie et nous voilà ce jour si différent de celui d'hier où je me sentais si heureuse de vivre. C'est le délire des médicaments, ils agissent un jour bien, un jour mal. Aujourd'hui est un mauvais jour, il faut faire avec, se battre avec les patchs de morphine impossibles à ouvrir, ça frise le ridicule tant ces petits bouts de papier collées entre eux et renfermant la potion magique ne veulent pas se détacher l'un de l'autre. J'ai fait appel à une personne pour qu'elle m'aide mais comme moi elle a eu un mal fou à détacher le patch pour le coller sur ma peau. A quoi ils pensent ceux qui fabriquent ces anti-douleur, que le malade a la force d'Hercule et des doigts de fée avec des ongles de sorcière pour décortiquer deux papiers serrés afin de décoller le troisième qu'il faut encore détacher de sa double protection? Pfff!

6 commentaires:

  1. L'immense mérite de ton blog est d'envisager la mort en face, justement, sans sensiblerie ni fausse pudeur !
    Quand on a un cancer métastasé, quel que soit son stade - et tant mieux s'il n'est pas encore trop avancé -, il devient inutile de se bercer d'illusions et de nier la réalité : non seulement on n'en guérira pas, mais on en mourra...
    En prendre conscience et faire de cette idée terrifiante une évidence, nous donne la force d'avancer vers le bout du chemin avec une certaine sérénité.
    Je te dis tout simplement :
    Chapeau, Annie !
    Tramontanne

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  2. merci Tramontanne, c'est vrai que cela ne sert à rien de nier mais heureusement il y a bien des cancers qui se développent très lentement ce qui laisse une belle espérance de vie! mon cas est bizarre puisque je suis directement arrivé au stade final!!! alors autant "vivre" pleinement les moments présents pour avancer comme tu dis avec sérénité - si possible - vers le bout du chemin.
    Bisous.
    Annie

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  3. Contente de voir sur Docti que s'annonce un voyage à Paris.
    Moins contente du récit de la journée d'hier.

    Avez-vous lu d'Irvin Yalom "Le jardin d'Epicure, Regarder le soleil en face" ? Première phrase : "La conscience de soi est un don suprême. C'est elle qui nous fait humains. Mais on la paie au prix fort : la blessure de la mortalité."

    L'ai commencé hier et vous en livre ceci (de Saint Augustin) : "C'est seulement en face de la mort que l'homme naît à lui-même".

    Sans aucun doute, avec votre extraordinaire cheminement sur cette question pourriez-vous utilement ajouter à ce livre quelques chapitres.

    passante13

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  4. Je ne pense pas ajouter quelques chapitres à ce livre, peut-être une page... mais je vais le lire ce "jardin d'Epicure, regarder le soleil en face".
    Merci passante.

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  5. Coucou maNiNi,
    je récupère ma connection Internet!
    (Comment te joindre sinon ? Je me sentais "coupée" de certaines personnes dont je n'ai pas les emails.)
    Je sais que ce lundi va être pénible pour toi à cause des doses de médocs pour le trajet ainsi que des changements mais j'espère de tout coeur qu'une équipe attentionnée et à l'écoute saura répondre à tes besoins et que très vite, tu te sentiras entourée.
    Quant à ton blog, il est majesteux de lucidité.
    Je suis comme beaucoup, contre l'hypocrisie, mais encore moins pour l'édulcoration des choses. Je dirai même que cette espèce d'"enrubannage" m'irrite souvent...
    La lucidité a un prix qui semble cher payé( Pas de fables, pas de DisneyWorld) mais on ne calcule pas :
    On est lucide ou on ne l'est pas.
    Impossible de feinter la légèreté ou le déni quand on prend tout avec l'acuité d'un microscope!
    Je suis avec toi de tout mon coeur.

    Philou et moi pensons à toi très fort.
    Si je peux venir te voir à J.G., fais - le moi savoir. (maman a mon N° de mobile)
    Mille baisers, Je T' M fort.
    mille mercis à toi Eric, de faire le relais avec tant de tendresse pour ta maman et merci de la "partager" avec nous.

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  6. Je ne suis qu'un visiteur anonyme, bien portant mais comme tout le monde, ou presque, futur malade. Tout simplement Merci: vous aidez à nous préparer à notre sort commun, à apprivoiser ce qui fait peur sans vous mentir, sans nous mentir.

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