jeudi 14 janvier 2010

Dans les files d'attente il y a plusieurs façons de réagir : avec impatience, philosophie, je m'en foutisme. Mais comment réagir dans la file d'attente de la mort? Il ne faut pas croire que je m'inscrive dans l'idée d'une telle file d'attente, loin de là, j'ai conscience de cette mort annoncée et parfois c'est vrai, quand la douleur mord le corps je suis tentée de l'appeler, mais j'aime bien trop le souffle de l'air caressant la peau, le chant de l'oiseau, le bourgeon qui naît, fleurit et vit pour occulter la chance que l'on a d'être sur Terre même si les catastrophes naturelles de cette Terre nous font poser bien des questions. Non, il s'agit là d'une véritable file d'attente de la mort, organisée, sélectionnée, proposée à ceux qui sont en fin de vie.
Mais qu'est-ce que la fin de vie ? S'agit-il des dernières heures, des derniers jours, des derniers mois? C'est la question que je me suis posée en regardant le catalogue d'une maison de fin de vie proposant ses services, un catalogue magnifique avec vue sur les jardins, la chapelle, les ateliers de dessin pour réunions entre malades, bref, un hôtel 3 étoiles pour mourants surnommé "maison de vie". Qui ne voudrait pas aller dans un tel endroit pour y finir ses jours quand chez soi c'est compliqué, qu'on ne veut pas être une charge pour sa famille, qu'on ne veut pas percevoir l'inquiétude des siens vivant au loin et vous sachant isolée ? D'autant que les soins palliatifs sont de qualité ce qui n'est pas à prendre à la légère quand on connaît les degrés de souffrance...
Oui mais voilà... il y a tant de demandes qu'il faut s'inscrire sur liste d'attente, attendre qu'un lit se libère, qu'un mourant s'efface enfin pour laisser place à l'autre. Quand on envoie son dossier il faut être certain qu'on ne vole pas la place d'un plus mal que soi, c'est à dire que la phase finale du cancer est bien réelle avec signes évident de dépendance comme être en fauteuil roulant, relié à des tuyaux, incapable d'autonomie, sinon on vous dit de repasser plus tard. Autrement dit c'est une maison pour "court séjour", d'une dizaine de jours au maximum, pas question d'imaginer comme moi naïvement qu'il sera possible de profiter en paix de ce lieu pour méditer dans le jardin, prier à la chapelle, se retrouver entre malades rien que deux minutes le temps de se comprendre par un simple regard d'amitié.

Non, là c'est "Au suivant".

Eh bien à la réflexion je vais m'organiser autrement, j'entrerai dans une unité de soins palliatifs le moment venu, là je saurai qu'il n'y a pas de chapelle, pas de jardin, seulement la pompe à morphine, et certainement un accueil d'une aussi grande qualité que dans la maison du "Au suivant"...


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