vendredi 15 janvier 2010

- Ben oui ma pov'Lucette, va falloir prendre une décision. Actiskenan ou Matrifen? L'infirmière a oublié de t'appeler hier pour te donner les conseils du docteur AA. Inutile de chercher une réponse dans le regard des trois boules de poils assises au pied de ton lit, tes chiens n'ont d'yeux que pour le bout de pain sec que tu tiens à la main. Mais pourquoi du pain puisque tu ne peux plus mâcher?
- Ben mon pov'Bob c'est pour faire illusion, me donner l'impression que je suis normale et que cette mâchoire peut s'ouvrir et se fermer sans casser, ça n'avait d'ailleurs pas l'air d'inquiéter l'infirmière quand je lui ai dit que je ne pouvais plus cisailler la nourriture avec mes dents. Z'avez qu'à avaler les petits pots énergétiques du docteur AA, qu'elle m'a répondu.
C'est vrai puisque de toute façon je ne mange rien, la nourriture me dégoûte même les petits pots.

Ouais, toujours est-il que décision doit être prise, actiskenan ou matrifen? J'en sais rien, les deux me font du mal, les deux me font du bien, y a-t-il un docteur dans la salle? Les seuls moments où je me lève c'est pour prendre les repas, mais comme je ne mange plus je ne me lève plus, c'est aussi simple que ça, et comme on ne peut pas dire que je sois super bien suivie j'avoue être contente d'être rapatriée à Paris en fin de semaine prochaine, j'espère trouver un médecin qui saura me dire quels médicaments avaler quand un se révèle nocif et en contradiction avec l'autre. Il est là le problème, on vous donne une quantité de pilules à prendre au début, au milieu, à la fin du repas sans se soucier des circonstances et sans se souvenir de ce qui a été prescrit la veille. Et quand on ne mange plus comment faire pour ingurgiter ce qu'on vous demande d'avaler en temps voulu?

J'ai la mâchoire qui flanche et l'autre a le pubis cassé. C'est ça la vie des cancéreux, y'a toujours un truc qui va pas, et on a beau être optimiste, avoir bon moral, faire de l'humour comme MDA sait en faire, une nouvelle douleur apparaît qui sait bien vous replacer au centre de la maladie. MDA est journaliste à Libé, elle tient un blog, elle est mal en point comme moi, très courageuse, plus que moi, et elle lutte avec acharnement contre ce crabe en subissant des séances de chimios et de rayons qui la mettent à plat. J'aime bien la lire, en fait je m'y retrouve, elle décrit son environnement et ses aventures cancéreuses avec un talent littéraire certain, je n'aime pas tout ce qu'elle dit, je n'adhère pas à tous ses choix, mais c'est une soeur de souffrance dont j'attends les posts avec impatience et je m'inquiète quand elle n'écrit pas. Son dernier post était à propos de la fracture de son pubis. Comment en arriver là quand on ne fait aucune folie de son corps? C'est comme ma mâchoire, comment en arriver là quand on ne fait aucune folie de sa bouche en dégustant de bons plats? Ce sont les métastases, ces bestioles rondelettes qui vous assaillent sans prévenir, ainsi de nouvelles douleurs voient le jour, en ce moment pour moi la nouveauté est au niveau de l'estomac, une grosse boule est apparue, comme au cou, derrière la nuque, et puis des douleurs lombaires, dans les jambes, même le pied!

J'aime bien MDA quand elle parle de ses chats Félix et Tralala, c'est drôle, émouvant, et j'y retrouve la vie de mes chiens Titi, Tosca et Troïka sans lesquels mon quotidien ne serait pas le même. Ils sont inséparables, des petits chiens pour lesquels je me fais bien du souci, que vont-ils devenir quand je ne serai plus?

Bon alors, on fait quoi, on avale le produit qui réduit la douleur ou on le met en patch? La différence entre les deux est si grande et les inconvénients si importants que je ne sais pas ce que je dois faire... Le docteur n'est pas joignable il fait les visites, l'infirmière non plus elle l'accompagne. Bon, je vais dormir un peu, ras le bol de réfléchir à ce qui est le mieux pour ne pas sombrer dans le délire ou les nausées.

PS : l'infirmière m'a téléphoné, elle dit que je dois mettre le patch. Ouf! je n'ai pas eu à choisir, la décision a été prise. Merci Y.



10 commentaires:

  1. Pas eu le temps, ce matin, d'aller glaner dans Yalom une autre petite phrase.

    En revanche, je tiens à te dire tout de suite que je suis à tes côtés sur ton chemin de rocaille. J'ai cru comprendre que tu as les chevilles bien entraînées (autrement pourquoi aurais-tu été te percher sur ce toit ?) Faisons-leur confiance, à ces chevilles, pour te mener à Paris où tu sauras trouver des médecins qui soient plus présents, ou à tout le moins disponibles.

    Je t'envoie un grand vent de force pour t'apporter au moins une toute petite envie alimentaire, le moyen de te la procurer, le plaisir de la déguster, dès que le patch tiendra un peu la douleur à distance.

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  2. Merci des nouvelles sur Doc !

    passante13

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  3. Je viens de tomber par hasard sur votre blog qui m'a bouleversé. Je ne suis encore qu'une jeune femme (27 ans) mais votre courage face à la mort m'impressionne.
    Je vous souhaite de vivre encore plein de petits bonheurs entourée de vos proches.

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  4. Je viendrai prendre de vos nouvelles comme pour MDA

    Je ne peux que vous envoyer mes pensées car les mots sont inutiles tels que courage et force en vous : faut faire avec !
    j'espère que la souffrance sera supportable !

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  5. Bonjour,
    je me retrouve sur votre blog car il a été cité dans les commentaires sur le blog de MDA.

    J'ai tout lu depuis le début et j'avoue que je n'ai pas encore assez de recul pour vous transmettre quelque chose d'utile, d'ailleurs n'est ce pas trop ambitieux de ma part.

    J'ose à peine imaginer le coup de massue sur la tête que vous avez du recevoir lors de ce séjour à l'hôpital, je suis choquée par le comportement des médecins, infirmières, etc ... mais pas étonnée ...

    Votre décision de ne pas vous faire soigner est votre choix et il est respectable.
    Vous clouez le bec à ceux qui vous donnaient quelques semaines à vivre en étant toujours et encore là et bien là.

    J'espère que vous leur clouerez le bec encore longtemps, je vous souhaite surtout de pouvoir apaiser vos souffrances et de trouver la sérénité. Je ne peux faire que cela pour le moment encore sous l'émotion de votre témoignage.

    Je reviendrais tous les jours prendre de vos nouvelles comme je le fais sur le blog de MDA même si souvent je me questionne ayant peur de franchir la barrière si mince qui nous sépare du voyeurisme ...

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  6. Comme Nath et d'autres, je vous decouvre par le blog de MDA.

    Moi aussi je viendrai desormais vous dire un petit bonjour tous les matins, prendre de vos nouvelles, vous souhaiter une journee sans douleurs.

    Amities
    Helene

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  7. vos mots sont pleins de vie et de jeunesse, c'est le reflet d'un esprit riche, je vous souhaite d'exaucer vos vœux : partager avec vos proches, tenir la souffrance à distance, le plus longtemps possible. El

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  8. Bonjour Nini, je suis arrivée sur votre blog par un des commentaires du blog de MDA
    J'ai tout lu, vous écrivez bien , vous ne larmoyez pas, vous m'avez émue jusqu'aux larmes
    je viendrai lire vos billets et je vous souhaite le moins de douleur possible ...et je n'ai pas les mots pour vous faire part de ma compassion totale
    Amitiés
    Frane

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  9. vous étiez belle à vingt ans ! merci pour la photo

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  10. En plus du texte, j'aime bien les dessins qui séparent les différents articles : il s'en dégage une sensation de fraîcheur, d'humour, et d'optimisme malgré le contexte. Le dessin du 12/1 par exemple (un autoportrait? ;-)) ) diffère en tout point de l'ambiance du "cri " de Munch.
    We shall overcome ;-))
    docngnt sur docti.

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