mardi 26 janvier 2010

De la fenêtre de ma chambre, voici l'inscription que j'aperçois. En-dessous se situe la Chapelle, au-dessus le dortoir des soeurs Xavières, gardiennes de l'esprit de la Maison médicale Jeanne Garnier. Comment écrit-on dortoir, avec un e à la fin ou pas? C'est à ce petit détail sans importance que l'on prend conscience qu'il se passe un déraillement dans la tête. Exemple je sais reconnaître ne plus savoir écrire un mot mais suis incapable de faire une recherche dans un dico pour faire une correction. Faire des fautes on s'en fout! devenir paresseuse, se ficher de tout, ça m'énerve.
Peut-on se rendre compte que j'ai commencé ma vie chez Garnier et que je la terminerai chez Garnier, même nom mais pas même dénomination. A l'Opéra de Paris c'était Charles, ici c'est Jeanne. L'un était architecte, l'autre Dame au Grand Coeur. On peut dire que je n'ai aucun regret d'avoir connu le grand escalier d'honneur de ce cher Charles même si l'Opéra de Paris restera la maison qui a le plus conditionné ma vie pas toujours dans le bonheur, mais mourir sous l'inscription au-dessus de la fenêtre de ma chambre et dans la Maison de Jeanne au Grand Coeur est un immense honneur.
Marie-France, votre amie est partie très vite, ma meilleure amie aussi est partie très vite, c'était en septembre 2001, une chimio et la voilà envolée vers l'ailleurs. Il n'y a pas de garantie pour cette maladie, je n'ai pas la solution, ni le grand ponte qui s'est cru plus fort que tout en annonçant sans précaution la mort à venir. Votre amie voulait vivre, tout tenter, elle avait raison. Je voulais vivre, pas tout tenter après réflexion, ai-je eu raison? Mais je ne voulais pas vous blesser avec mes mots maladroits, ni personne. Vous savez, aujourd'hui je suis descendue, enfin on m'a descendue, à la Chapelle pour assister à la Messe. Il y avait deux lits et un fauteuil roulant dans l'assistance, et aussi quelques anonymes venus de l'extérieur. C'est tout. Notre société ne se pose plus beaucoup de questions spirituelles, et si elle s'en pose, elle parle énormément, beaucoup trop, on n'écoute plus, ou alors on s'écoute trop. Et c'est ce que je suis venue chercher ici, d'abord, en tout premier, car il serait injurieux de le nier, je suis venue ici par une très grande peur de la souffrance, peur de mourir étouffée mais on m'a promis que cela n'arriverait pas, et donc aussi avec beaucoup de sincérité je suis venue me mettre à l'écoute de Dieu. Je ne sais pas qui est Dieu, je me donne ce temps de vie qui me reste pour le connaître. Et peut-être me connaître aussi.

9 commentaires:

  1. Ce tres beau message d'aujourd'hui demontre que vous avez encore toute votre tete, pas de soucis a ce sujet la ;-)
    Je vous souhaite une douce nuit,toute en douceur et surtout sans douleurs

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  2. vous avez raison prenez comme une grande chance ce temps qui vous est donné pour cette réflexion, et si vous avez la force merci de nous la faire partager.
    Brigitte

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  3. Je suis très touchée que nous preniez le temps de me répondre alors que vous vivez des moments très forts avec vos proches. Et en même temps confuse de vous avoir involontairement perturbée.
    Pour l'anecdote, je ne suis pas une jeune femme mais une "vieille de 65 ans" !

    D'autre part, il y a eu malentendu dans la façon dont j'ai narré l'histoire de mon amie ou dans la façon dont vous l'avez comprise. En effet, elle a été emportée très vite car elle avait refusé tout traitement. Je pense que vous et moi aurions fait une belle paire, vous la croyante et moi l'incroyante. De beaux débats enflammés et animés, une chaude ambiance.

    Je pense à vous.

    Bien amicalement.

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  4. Hélène (une autre)26 janvier 2010 à 23:26

    Chère Annie,
    Vos écrits me touchent et me bouleversent. C'est un magnifique témoignage que vous laisserez à vos petites filles. Une chance pour votre fils qui pourra partager ça avec elles dans quelques années.
    Je vous souhaite une douce et heureuse fin de vie à Jeanne Garnier. Puissiez-vous rencontrer Dieu et vous abandonner en paix.

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  5. Quel beau post !
    Je ne trouve rien à rajouter ..
    Si ce n'est que c'est toujours un immense plaisir de vous lire, espérant pouvoir le faire encore bien longtemps.
    Personne ne sait de quoi demain sera fait.
    Je vous embrasse. Bonne nuit Annie.

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  6. Annie,
    Le Seigneur vous accompagne et vous assistera au dernier instant. C'est ce que je crois et je prie pour vous.
    Que Dieu vous garde !

    Gabriel

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  7. Nini, que te dire sinon que tes posts sont toujours le reflet de qui tu es, une personne pleine de richesse, de ressources et de profondeur. Pour le nom de Garnier, cela m'avait également frappé ... Ironie de la vie, peut-être pas si ironique après tout, car j'y vois un signe: tu as commencé ta vie dans un univers sans partage et te retrouves désormais dans celui du partage. Suis heureuse que tu aies pu assister à la messe ce matin. Je prie pour que Dieu t'accompagne à chaque pas de ton voyage vers Lui, et pour que tu ressentes Sa présence de façon indéniable. Il est la source, le centre, et le secret. J'en suis le témoin. Douce nuit, amie d'enfance, tendres rêves, et de la paix dans ta jolie âme.

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  8. bonjour Annie
    Quel plaisir de te lire ce matin, et tu sais quoi ? Garnier est le nom de ma cancérologue Claire Garnier, elle aussi une Dame au Grand Coeur.
    Quand on m'a annoncé mon cancer, bizarrement je n'ai plus eu peur de la mort, moi qui la craignait tant lorsque j'étais en bonne santé et puis malgré une éducation religieuse je n'étais pas trop croyante mais une phrase de l'Abbé Pierre m'a interpellée :
    Il n'y a qu'une règle pour gagner le paradis : aimer tant qu'on en a la force, c'est tout.

    Voilà ma douce, je te souhaite une journée sereine et sans souffrance.
    Je te bizouille très fort ainsi que ton Eric.
    Je compte sur toi le 18 avril!!!!
    Nicole Alias Delta38 doctissimo

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  9. Quelle belle recherche que celle d'un Dieu dans les moments aussi importants de l'existence. Quelle inconnu ce Dieu...
    Je ne suis pas croyante mais éternellement en recherche de spiritualité, on la trouve en bien d'autres endroits.
    Je me pose mille questions sur la fin de vie pour l'avoir beaucoup côtoyée et vécu des histoires humaines bouleversantes.
    La votre en est une
    Juliette

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