mercredi 10 février 2010

Elle ne s'apprivoise pas

ON la croit venue enfin pour la délivrance mais c'est un tort, elle est toujours aussi longue à venir et de plus en plus sournoise. Elle est double, d'un côté elle crache ses poumons, de l'autre elle les retient en longs filaments transparents. Perdre son souffle est une expression que l'on ne devrait employer qu'à bon escient, autrement c'est ne lui donner que peu d'importance à ce souffle qui sans lui ne nous permettrait absolumment pas de même relever un oeil vers l'horizon qui s'éloigne. Cette nuit j'ai appelé maman, et j'ai crié au secours, mais la fille qui vient la nuit m'a dit de me taire car j'angoissais tout l'étage avec mes cris de gorets et que l'on ne pouvait pas me laisser entraîner tout un étage de malades dans cette angoisse à laquelle moi hélas je ne pouvais rien. Que sait-on de l'angoisse? Moi aussi je pensais que c'était un symptome de personnes égoïstes qui ne savent rien faire d'autre que se plaindre de tout et de rien. Faux. Absolumment faux. L'angoisse est une grave maladie qui entraîne vers la mort quand on n'est plus capable de la contrôler. Or il y a ceux qui s'approchent de vous et vous calment d'une main fraîche passée sur le front et d'autre qui vous entrainent au fond du gouffre en vous humiliant sans bien sûr le vouloir. Me dire que j'étais une patiente bébé qui appelait sa maman à mon âge m'a ravagée, il n'y a pas d'âge pour appeler sa maman quand on a peur, et la peur je la reconnais elle me prend au coeur du souffle et je m'étouffe. Alors si c'est ici que je doive crier au secours alors oui je crie :

"Ô Dieu, vers toi je crie ma souffrance, je dis viens me chercher Seigneur, délivre-moi des maux de la terre, et si j'en suis digne donne-moi la paix du ciel que tu promets aux justes. rejetée par les uns, injuriée par les autres, il n'est un un jour où je ne crie vers toi. Je dis pourquoi les hommes ont-ils fait de la terre un enfer? Ton oeuvre est si belle seigneur, pourtant nous sommes vils et n'arrivons pas à vivre en harmonie au sein de ta création. Je dis : regarde les démunis, les affligés et les pauvres, les humbles et les malades, les persécutés et les exclus, car ils n'ont plus rien. Et regarde-moi aussi Seigneur, même si j'ai tant. Ô doux Seigneur que ton nom soit sanctifié à jamais, accorde-moi la paix du coeur et de l'esprit et, si telle est ta volonté, lorsque viendra le jugement dernier, accorde-moi l'Eternité auprès de toi."

21 commentaires:

  1. Chère Annie,
    Mon père est mort l'été dernier, brutalement, il avait votre âge, il n'était pas prêt, il ne s'y attendait pas, la mort l'a fauché alors qu'il était en pleine santé, la tête pleine de projets. J'étais là lorsqu'il est tombé, j'étais là lors de son agonie. Je l'ai vu résisté en vain, j'ai vu qu'il ne voulait pas partir, pas maintenant. Je l'ai vu lutter, impuissante. Il était tellement en révolte qu'on l'a plongé dans un comas artificiel dont il n'est jamais sorti. Et je sais qu'il aurait aimé nous dire au revoir, il aurait aimé nous parlé... Il est parti sans un mot et c'est tellement difficile de faire le deuil de quelqu'un qui était tellement vivant... C'est l'incompréhension, la frustration, la douleur vive et constante... Ma mère ne s'en remet pas, elle n'était pas là, il lui manque une partie de son histoire, c'est le vide, la culpabilité... Ce n'est pas comme ça qu'il aurait aimé partir.
    Tout ça pour vous dire chère Annie que même si le chemin est long et douloureux, vous avez le temps de vous préparer, de préparer vos proches, de préparer votre départ et malgré toute la cruauté de cette situation, c'est aussi une "chance" (j'espère ne pas vous choqer)de pouvoir le faire...
    Parlez avec vos proches, que vous puissiez leur dire ce que vous avez sur le coeur, laissez les vous parler aussi, embrassez les, touchez les, dites leur que vous les aimer, placez vos chiens que vous puissiez partir sereinement,prfitez d'eux, abusez d'eux, vous retrouverez de la chaleur et vous les aiderez aussi...
    Pardon peut être que mon point de vue est altéré par la brutale disparition de mon papa dont j'ai du mal à me remettre... La brutalité ajoute à la douleur de ceux qui restent.
    Il était comme vous, croyant, et j'espère qu'il est bien aujourd'hui. Pardon je ne peux plus écrire, je pleure.
    Je vous serre dans mes bras.
    Très affectueusement,
    Stéphanie

    RépondreSupprimer
  2. Chacun appelle sa maman dans la souffrance et le personnel soignant devrait être une mère pour toi. je t'entoure de mes bras Annie et regrette que ce ne soit que virtuel. puisse ce câlin voler vers toi et t'apporter chaleur, douceur et calme.
    Rapsody

    RépondreSupprimer
  3. Merci mes amies, si, j'en ai pleinement conscience, je sais la chance que j'aie de pouvoir communiquer avec mes proches, mon seul problème est que je ne peux pretiquement plus communiquer que par écrit, je peux à peine parler. Mais c'est déjà bien. Ajoujourd'hui mon fils vient de lettonie spécialement pour me voir et mettre au points les derniers détails, dernières volontés entre nous, c'est ça qui est si beau et pourquoi je comprends tout ce que vous dites à propos de vos proches qui aimeraient tant cimmuniquer mais que dans l'immédiat ce n'est pas la priorité.
    Là je retourne en kiné pour mes brocnches, essayer qu'elles crachent leur venin pour me laisser un temps de répit même dans le silence, j'aime le silence.
    Voyez-vous Paris en ce moment? Il neige, oh, c'est si joli.
    Je vous embradde frot.
    Nini

    RépondreSupprimer
  4. Ici aussi il neige, ce matin en ouvrant mes volets, la blanche campagne m'a rappelé vos aquarelles immaculées et lumineuses.
    Bon courage pour vos soins.
    Si parler vous est difficile, écrivez, écrivez encore et encore (vous le faites tellement bien...), nous sommes nombreux à vous lire et nous serons nombreux à vous lire encore. Peu interviennent, surement par pudeur ou par peur, mais nous sommes tous à vos côtés et vous êtes dans nos coeurs.
    Je vous souhaite de tendres instants avec votre fils et de doux instants de silence.
    Bon courage pour vos soins et merci pour votre petit mot.
    A plus tard,
    Stéphanie

    RépondreSupprimer
  5. Vous avez raison Annie quand vous dites qu'il qu'il n'y a pas d'âge pour appeler sa maman. J'avais été émerveillée, enfant, d'apprendre qu'un ami de mes parents qui était décédé à un âge avancé, et qui avait perdu sa maman quand il avait 2 ans, l'avait appelée au moment de partir. Cette maman idéalisée qui était restée jeune et belle et qui lui avait tellement manqué, c'est vers elle qu'il s'est tourné au moment du grand départ... Qu'on ne vous reproche plus jamais d'appeler votre maman, qu'on ne vous dise plus jamais que vous êtes un "bébé" ! comment peut-on être soignant dans un lieu de fin de vie et capable de réagir ainsi à l'angoisse d'un malade ??? Je regarde la neige tomber sur Paris et je sais que vous la voyez aussi de votre fenêtre. Que ce miracle de la vie qui est si banal pour beaucoup et si beau pour d'autres vous apporte un peu de sérénité.
    Je vous embrasse
    Odile

    RépondreSupprimer
  6. Bonjour Annie,
    Ce que vous décrivez votre peur à partir du soir, je l'ai vécue à travers maman qui nous a quittée il y a quelques mois...

    Je vous suit depuis le début, êtes dans mes pensées très fréquemment, je prie Dieu d'alléger vos souffrances.

    Accepteriez-vous que je puisse vous rendre visite à Jacques Garnier, cela me ferait tant plaisir de vous rencontrer.

    Je vous embrasse.

    Affectueusement.

    Somia

    RépondreSupprimer
  7. Quel que soit notre âge, oui, on a tous besoin de notre maman... ou d'une maman. Il n'est pas question là de régression, de bébé ou de folie. C'est simplement l'histoire d'un couple qui se donne mutuellement naissance à l'accouchement, et qui devrait, en toute logique, se retrouver au moment du Départ. Appelez votre maman autant que possible, et ne craignez pas les réprimandes des sans-cervelle (oserais-je dire des "sans coeur" ?) qui ne sont pas à votre place. Parions que si c'était le cas, elles feraient comme vous...

    RépondreSupprimer
  8. Est-ce donc la même chose partout, à Jeanne Garnier comme dans tous les hôpitaux ?
    Faut-il se taire la nuit pour ne gêner ni les voisins ni le personnel, attendez donc le jour pour étouffer ou pour manifester votre horrible angoisse !
    Annie, je suis révoltée, tout comme tu l'es.
    Ton fils revient te voir, demande-lui d'intervenir auprès des responsables pour soulager ta souffrance. Il existe des moyens autres que la prière. Car si Dieu écoute la tienne, les humains font la sourde oreille semble-t-il...
    Je t'envoie non plus seulement mon affection, mais une grande bouffée d'oxygène - qu'elle puisse au moins te soulager quelques instants.
    Tramontanne

    RépondreSupprimer
  9. Chère Annie.C'est poignant cette angoisse qui ne doit même pas s'exprimer.Comme on voudrait pouvoir vous tenir la main dans ces moments terribles.Heureusement vous avez la foi et savez que ce n'est pas le néant qui vous attend mais votre maman et tous les proches qui vous ont devancée.Je pense à votre mari,à votre fils,à vos petites filles,à vos amours de petits chiens qui voudraient tant être physiquement à vos côtés.Par la pensée nous sommes tous là à vous cajoler

    RépondreSupprimer
  10. Bonjour,
    Je vous lis chaque jour, mais aujourd'hui vos mots me touchent particulièrement. Je salue votre courage, votre lumière, et vous accompagne par la pensée et la prière.

    RépondreSupprimer
  11. Bonjour, que de tracas encore pour vous...... et quel manque de tact de la part du personnel, la ou ailleurs c'est pareil, maman dérangeait aussi quand elle frappait des mains pour appeler car sa sonnette non branchée... et sans voix, elle ne savait faire que ca pour avoir de l'aide, oh combien de fois je me suis fachée contre ce personnel sans coeur, surtout la garde de nuit
    Profitez bien de la venue de votre fils, puisse t'il montrer les dents pour que plus jamais on en vous critique d'appeler votre maman, crier seulement, hurler, vous en avez le droit
    Je vous embrasse très fort
    Christine55

    RépondreSupprimer
  12. Bonjour Annie.
    Ton post me laisse sans voix ...
    Je ne sais pas quoi dire si ce n'est que je suis triste que tu aies à vivre tout ça et que j'aimerais que tu aies enfin un peu de répit.
    Je t'embrasse fort fort !

    RépondreSupprimer
  13. Je viens de me perdre dans vos chroniques et vos souvenirs de l'Opéra... J'aime vous lire.
    Vos petits papiers, petits cailloux et talismans m'ont inspirée. J'en ai plié un en quatre où j'ai écrit "Que vos nuits soient plus douces" et que j'ai caché au fond de mon sac. Je vous le souhaite en tous cas du fond du coeur.
    Isa

    RépondreSupprimer
  14. Chère Annie
    te lire aujourd'hui me fait mal, je souffre avec toi, je voudrais tant pouvoir te soulager de tes angoisses.
    Hélàs je suis très loin de Paris, mais de chez moi je te tiens par la main, je redresse tes oreillers et jamais au grand jamais je t'empêcherai d'appeler ta maman. Pour nos mamans on reste toujours leur bébé, quel que soit notre âge.
    Prend soin de toi et passe de tendres moments avec ton cher fils.
    Avec toute mon affection
    Trinity

    RépondreSupprimer
  15. Nini, Je suis REVOLTEE par l'attitude de ceux dont la raison de vivre devrait être compassion et miséricorde! Et je rage d'être si loin géographiquement et de ne pouvoir venir pousser une énorme gueulante pour dédendre tes droits d'être humaine, de souffrir, d'avoir peur et d'appeler au secours! Quelle honte pour la personne qui a osé te faire taire et quelle honte pour cet établissement si soucieux de sa réputation!
    Je sais qu'Eric est arrivé aujourd'hui et que sa présence va t'apporter chaleur et soutien, en plus de rétablir l'ordre dans ce fichu endroit! Repose-toi sur lui, mon Annie, il t'aime tant!
    Je pense à toi très fort en ce matin, où comme chaque jour, encore entre mes draps, la première chose que je fais est de prendre connaissance de ton blog... effarée, indignée, terriblement en colère...et trite aussi de te savoir si isolée...
    Je prie pour toi, ma Nini, tu le sais. Un monde sans soufrance t'attend. Une éternité sans larmes, sans soucis, emplie de beauté, de pureté et d'amour. Le meilleur est à portée de main, mon amie chérie...
    Et je t'aime... je t'aime depuis nos années d'Opéra et t'aimerai pour l'éternité.

    RépondreSupprimer
  16. L'année dernière, j'avais accompagné ma mère (91 ans ) partie en avril. A 91 ans, elle rêvait également de sa mère... Comme quoi, y-a-il un âge pour penser à sa mère?

    Elle aussi, il lui arrivait d'éprouver cette terreur d'être toute seule devant le grand saut. Et pourtant, elle n'avait pas de cancer, pas de maladie qui la tourmentait, rien qu'un affaiblissement général dûe à la vieillesse, des jambes qui ne la supportaient plus, des mains déformées par l'arthrose. Et il lui arrivait de désirer d'aller vite retrouver sa mère... tout en redoutant l'échéance. Elle habitait chez mon jeune frère qui s'occupait très bien d'elle , et n'a quitté le domicile de celui-ci pour l'hôpital que pour les 2 derniers jours de sa vie.

    Annie, on attend toujours ton anniversaire du 18 avril !

    docngnt sur docti

    RépondreSupprimer
  17. chère Annie,
    je suis votre blog depuis longtemps mais n'ai jamais écrit.
    votre récit me bouleverse et me rappelle ma petite maman. oui à n'importe quel age, on a besoin de sa maman, et je ne me sens pas bébé à 44 ans d'appeler ma maman, de la pleurer.
    ma maman a connu les soins paliatifs, tout comme vous, un monde que je ne connaissais pas et qui m'a profondément choqué : des dizaines d'exemples que je pourrais donner....je les ai supplié de la soulager, de la nourrir par perfusion, je pleurais comme une gamine devant eux, ils me regardaient tous sans rien dire, quelle honte ! je leur ai même proposé de payer les perfusions... que de souvenirs douloureux... non les soins paliatifs ne sont pas tous merveilleux... il y en a certainement des géniaux...ma maman n'a pas eu cette chance.... toujours l'impression de les déranger...elle les appelait et ils ne venaient que 30 mn plus tard...
    une maman est unique, irremplacable...et vous avez raison de l'appeler.
    je vous souhaite beaucoup de courage, et que vos douleurs soient apaisées.

    RépondreSupprimer
  18. Très chère annie.
    J'ai lu avec emotion votre dernier message, et je suis outrée de la façon avec laquelle vous êtes traitée à jeanne garnier!
    Que doit-il se passer dans les autres centres de soins palliatifs! puisque jeanne garnier a une très bonne réputation ; c'est honteux! car le personnel a été "formé" pour accompager les personnes en fin de vie!
    Je savais qu'à l'hopital ou mourrait souvent dans de "mauvaises conditions" mais dans un centre de soins palliatifs cela est inadmissible!
    Dites le à votre fils pour qu'il intervienne auprès des responsables.
    Je me proposerais bien de les appeler, mais je ne peux le faire sans votre autorisation.
    Comme vous l'avez dit precedemment , dès que l'on est malade le milieu médical vous infantilise; je le fréquente hélas beaucoup, et je peux en témoigner .
    Ces gens deviennent insensibles à la détresse humaine!Bien sûr il leur faut de la distance pour pouvoir pratiquer leur métier correctement, mais la il ne s'agit pas de cela , c'est de l'incompétence et du manque d'humanité! Je suis révoltée car comme l'on dit ils malmènent quelqu'un à terre; et pour celà ils ne devraient jamais exercer un tel métier.
    N'hésiter pas à me faire savoir si je peux vous aider
    pour que cela ne se reproduise plus.
    Je vous embrasse fort et je vous souhaite une nuit sereine.
    Katell "mililuna"

    RépondreSupprimer
  19. Tu as encore la force de remercier chacun pour ses mots et ses pensées! Mais c'est nous qui devons te remercier de ce que tu nous donnes, encore et encore...
    Je pense fort à toi et à Eric.
    je vous envoie toute ma tendresse.
    Evounette de Levallois.

    RépondreSupprimer
  20. Votre post me rappelle le moment de la naissance de ma fille, ce moment ou l'on crie, d'autres cris bien sur, ceux de la douleur, aussi..et je me souviens de ces sages femmes qui vous demandent aussi de "ne pas crier comme ça madame qd même"
    Alors voila, qu'on donne la vie, ou qu'elle nous quitte, on doit le faire dans le silence ??? Pourquoi cette peur du corps médicale à nous laisser crier, a nous laisser revenir vers le fond de soi..

    j'espère ne pas vous choquer , je n'essayais pas de comparer ni notre douleur, et encore moins de mettre ces deux histoires au meme niveaux, mais voila a quoi votre écrit m'a ramené ce soir.
    Pensées affectueuses.

    RépondreSupprimer
  21. Coucou MaNi,
    Comment vas-tu ce matin ?
    Toutes nos pensées à Philou et à moi, t'accompagnent et on se sent démunis, comme beaucoup de ceux et celles qui t'écrivent car on voudrait porter ta souffrance, et la prendre sur nous.
    Je t'embrasse fort, avant de le faire non virtuellement mais " pour de vrai"...
    Eve

    RépondreSupprimer